POLICE COUPABLE, POLICE DE L’OMBRE, CENTRALE POLICE, POLICE DE LA GRAVITÉ…
OU LA POÉSIE À 2 MI-MOTS
Au fil de ses créations, Pierre Fourny joue avec tous les procédés de sa Poésie à 2 mi-mots… qu’il continue à faire proliférer. La Poésie à 2 mi-mots s’attache d’abord à l’aspect visuel des mots et se fonde sur « la police coupable », police de caractères permettant de couper les mots en deux horizontalement et d’associer la moitié obtenue à une autre moitié pour former un nouveau mot.
Très vite, Pierre Fourny a fait développer un logiciel (le combinALISons), lui offrant la possibilité de trouver un nombre de combinaisons impossibles à saisir par un cerveau humain moyen, formé à la lecture dite « rapide et silencieuse ». Bientôt, la « police de l’ombre » allait également voir le jour (grâce au logiciel), révélant la présence de mots entires contenus dans d’autres (C’est le cas d’INFINI et de FAILLE contenus dans PAROLE). Aujourd’hui, d’autres polices s’imposent encore : la « centrale police », la « police de la gravité »…
La Poésie à 2 mi-mots est donc désormais une pratique regroupant différents procédés qui permettent de jouer d’une manière originale, sur scène et au-delà, avec la forme des mots.
La main qui saisit, qui désigne, qui écrit, fait exister des choses et fait même passer ces choses d’une réalité à une autre réalité : de l’osier au panier tressé, par exemple, ou encore de la chose au mot (qui n’est plus la chose elle-même mais qui pourtant la désigne et nous permet d’en parler… de vendre par exemple ce panier tressé sur ebay). Passer de la chose au mot, quand on y pense, nécessite d’opérer un drôle de petit saut sensible et intellectuel… Nous avons été dûment entraînés pour « sauter » ainsi… par l’apprentissage de notre langue orale, puis par l’apprentissage de l’écriture (d’abord) et de la lecture (ensuite).
Cet apprentissage nous fait admettre, aveuglément, une continuité de la chose au mot. Et pourtant, du mot à la chose, de la chose au mot, il y a un abîme tout au fond duquel la discontinuité échappe à nos esprits de lecteurs et de lectrices. Il faudrait désormais des ascenseurs dignes des mines les plus profondes pour remonter à la lumière le minerai de cette absolue altérité, dans son état d’incandescente incompatibilité à tout. Mais il risquerait d’irradier dangereusement le fragile pouding qui, à la surface, donne sa cohérence aux relations qu’entretiennent les mots, les choses, les sons, les tracés, les sens… Et puis, de toute façon, nous préférons lever les yeux au ciel.
Le corps est en proie au codage de la langue. Pierre Fourny prend un malin plaisir à sonder ces écarts que nous franchissons sans plus nous en apercevoir et à les mettre en lumière…
La Poésie à 2 mi-mots dévoie les mots écrits de leur sage alignement dans la phrase : il en part réellement une moitié ailleurs, des mots. Et à ce moment là, vertige, les moitiés de mots ne correspondent plus à aucun codage connu…
L'équipe d'ALIS